Archéologie de l'écriture rock en France !
Les premiers fanzines rock'n'roll en France
(publiés par les premiers fan-clubs des pionniers du rock)
Il faut bien avouer que les tout premiers fanzines rock'n'roll étaient souvent très "amateurs": parfois constitués seulement de quelques pages assez indigestes (remplies de références de disques généralement introuvables), des pages à l'encre baveuse sorties de la polycopieuse à alcool et réunies par une agrafe. Avec éventuellement des tentatives pour inclure quelques photos indéchiffrables (Quel tableau on vous dresse là !)... Mais l'essentiel était ailleurs, c'était sans doute (pour ceux qui les écrivaient comme pour ceux qui les lisaient) ce sentiment d'appartenance à un groupe d'exception, à une minorité "qui savait"... Petit à petit quand même, le niveau de ces publications spontanées allait s'améliorer, certains amateurs révélant des qualités journalistiques, voire esthétiques, bienvenues.
Le fanzine était donc d'abord un moyen d'exprimer sa foi (non, le mot n'est pas forcément trop fort), son adhésion totale pour cette musique qui bouleversait nos vies en devenir. Affaire de passionnés donc, mais davantage passionnés a priori par la musique que par la mise en page ! Affaire de "grands spécialistes du rock", d'éminents connaisseurs ou parfois supposés tels... Au début, il s'agissait le plus souvent de défendre et d'encenser un seul artiste, son favori, son "roi du rock", censé surpasser évidemment tous les autres. Là aussi, il fallut pas mal de temps pour parvenir à une vision plus large et à un certain oecuménisme rock !
Notez qu'on vous parle ici d'un temps que les moins de trois fois 20 ans ne peuvent évidemment guère connaître (sauf s'ils ont vocation d'historien du rock) : vers le milieu des années 60 environ (d'autres fanzines rock plus anciens nous ont peut-être échappé d'ailleurs ?...). Comme pour le reste, le phènomène nous venait bien sûr des pays anglo-saxons.
Des fanzines R'n'R purs et durs
De Lyon par exemple
était édité "The Crazy Legs Magazine", dont le héros était bien sûr Chuck
Berry. Un certain Pierre Jourdan, son frère Claude et
Jean-Pierre Petit étaient les artisans de ce fanzine. Plus
tard, Pierre allait participer à "Rock and Roll Music" avec déjà un élargissement, tant
dans les sujets dont on traitait (ça n'était plus
uniquement Chuck) qu'avec les fans participants (de divers coins de
France, ce qui ne devait pas faciliter les choses pour faire la
maquette). Ajoutons que c'est l'ami Georges Badoz (aujourd'hui retraité... en Bolivie !) qui allait assurer la distribution de l'ultime numéro (après avoir distribué aussi en France "The Boppin' News", fanzine référence de l'anglais Dan Coffey consacré à Carl Perkins).
[Exemples: CrazyLegsMag#6, RockAndRollMusic#4, TheBoppinNews#8]
La
"Teen Beat Letter" émanait elle d'un fan-club Jerry Lee Lewis, mais
s'intéressait quand même à d'autres pionniers. Il
faut dire que Michel Grezes (depuis son Sud-Ouest) et Bruno Le
Trividic (depuis la Normandie ?!) qui s'en occupaient,
possédaient des qualités assez rares jusque là
dans ces milieux : une grande ouverture d'esprit, et... pas mal
d'humour. TBL a dû exister au moins de 64 à 68, avec une
parution irrégulière bien sûr, comme pour tous
ces fanzines, et comme pour Disco-Revue elle-même qui
était la "vraie publication" la plus proche par
l'esprit...
[Ex: TBL#15]
Du côté de
Lons-le-Saunier, Michel Thonney s'occupait de "Only Rock" avec
une partie "Penniman News", car Michel était un inconditionnel
de Little Richard. Depuis Sathonay-camp dans la banlieue lyonnaise,
George Collange, patron de la Buddy Holly Memorial Society et
néanmoins fan de Gene Vincent, lui prêtait parfois sa
collaboration. Mais l'écriture n'était pas le point
fort de George qui allait plutôt s'illustrer quelques
années plus tard en organisant quelques mémorables
concerts sur Lyon.
[Ex: OnlyRock#8]
On en
oublie forcément... Il y avait aussi "Reminiscing".
publication du Buddy Holly Memorial fan club (ne pas confondre avec
le précédent !), d'abord publiée depuis le
Sud-Ouest par Hubert et Michel, puis reprise plus tard par
l'équipe stéphanoise (ou presque : de St Chamond)
de Marc Alésina, Joël Vaizan et Alain Mallaret.
[Ex: Reminiscing#8]
BIG BEAT (1969/1982)
C'est vers la fin de ces années 60 qu'il fut finalement décidé de créer une fédération pour regrouper un peu tous ces fan-clubs épars, la FARC (Fédération des Amateurs de Rock et de Country). La FARC qui allait se doter elle-même d'un super-fanzine, et ce serait Big Beat. Big Beat dont le numéro un était daté de mai-juin 1969, Au comité de rédaction, on trouvait les noms de : Michel Thonney, Michel Grezes (les deux Michel furent donc les premiers instigateurs de la FARC), et Dominique Thura (président d'un club Gene Vincent proche de Paris), Bernard Boyat (voir hommage plus bas sur cette page), Philippe Bas-Raberin, Thierry Walter, Kurt Mohr (qui écrivait aussi à Rock & Folk), Bruno Le Trividic, Pierre Pennone (de Lausanne), Roll Chanty (surtout dessinateur... et chanteur), et Georges Collange.
Vers 1971
et le numéro 4 de Big Beat, l'équipe
Alésina-Vaizan-Mallaret (voir plus haut) allait prendre
progressivement le relai en améliorant sensiblement la
réalisation technique. Michel
Thonney prenait du recul
après toutes les difficultés rencontrées en
organisant l'ultime et forcément bancale tournée de
Gene Vincent fin 1970.. Il allait néanmoins signer dans le
n°8 un mémorable édito (Qu'on vous invite à aller lire. "Nous n'avons
jamais été passéïstes",
affirmait-il...).
Aventure de Big Beat endeuillée fin 1971 par la disparition
soudaine et tragique de Joël
Vaizan. Dans le N°6 qui
sortait alors, il avait signé l'édito sur la mort de
Gene Vincent... Joël restera président à titre
posthume tandis qu'Alain Mallaret prenait les commandes de la FARC.
Big Beat allait continuer ainsi bon an mal an jusqu'en 1982.
Persistant à apporter aux fans de rock les plus
intègres et les plus rebelles à la modernité (le
rock anglais et toutes ces fadaises !) leur lot de dossiers et
de nouvelles des authentiques pionniers, de la country ou de la
musique cajun (avec Bernard Boyat, qui se rendait fréquemment
en Louisiane), du blues (modérément, avec "Arthur"
Grimbot surtout), voire de certains revivalistes (comme les Wild
Angels ou Crazy Cavan). Et George
Collange fournissait ici et
là des comptes-rendus sommaires de ses rencontres aux USA
(avec Jerry Lee Lewis, Norman Petty, Sanford Clark, Merle Haggard...
ou aux studios Capitol à Hollywood).
(...et le temps a passé. Putain, bien trop vite...)
Aujourd'hui, plus de 25 ans après le dernier numéro de Big Beat, Alain Mallaret, toujours fidèle à un certain esprit rock, a d'abord décidé de scanner tous les numéros de cette "bible" pour les mettre sur le web et en faire profiter ainsi la terre entière, voire la galaxie ! C'est Red Teddy, de Lyon qui avait commencé le travail, puis Alain a continué sur un blog. Puis ne voulant pas s'arrêter en si bon chemin, il a remonté dans le passé avec les autres fanzines, toujours armé de son scanner et maîtrisant désormais parfaitement le fonctionnement des blogs ! Grâce à quoi vous avez la chance de pouvoir replonger dans toutes ces archives, dont certaines qu'on croyait à jamais bloquées dans notre vieille armoire, mais qu'il nous a fait sortir pour les passer sous le rayon magique, numérisant et "immortalisant" de son scanner.
Et vous n'avez plus qu'à suivre les liens (en bleu ci-dessus et ci-dessous, et petites images à droite) pour aller ouvrir toutes ces vieilles pages. Comme pour la polycopieuse à alcool du haut de page, il n'y manque presque que l'odeur... Bonne et instructive lecture !
SD, Février 2008.
Numérisés et mis en ligne par Alain Mallaret sur http://fr.calameo.com/accounts/90804 = une incroyable mine de documents, si vous avez le courage d'y descendre (dans cette mine, il suffit de faire "charger plus" chaque fois, les yeux écarquillés…).
Big Beat, le retour… (en numérique, en 2016)
Au XXIe siècle, la ronéo n'est plus de mise, ni même l'offset pour BIG BEAT, et c'est en version électronique only que le numéro 22 va finalement (ap)paraître (voir notre blog), 34 ans après, en Septembre 2016, toujours grâce à Alain Mallaret devenu expert de la publication numérique…
Suivra rapidement un 23 entièrement consacré au concert de Gene Vincent à Lyon du 29-9-1967 (voir aussi notre blog pour quelques précisions de plus)…
Gene Vincent qui sera encore en couverture du n°24 [blogSD], un dossier Charlie Rich dans le 25 [BlogSD], Chuck Berry forcément dans le 26 [BlogSD]
Suivront les 3 Hawkins : Ronnie dans le 27 [BlogSD], Screaming Jay dans le 28 [BlogSD], et Dale Hawkins dans le 29 [BlogSD] !
Little Richard dans le 30 [BlogSD], multiples sujets dans le 31 [BlogSD], Chuck Willis, Larry Williams et Esquerita dans le 32 [BlogSD], Carl Perkins dans le 33 [BlogSD], Fats Domino en couv' du 34 [BlogSD]… Etc…!
Pour se procurer ces nouveaux numéros numériques de Big Beat, s'adresser à <alainmallaret@orange.fr> qui vous les fera parvenir…
[NB: Les liens vers notre blog sont parfois imprécis (il faut alors fouiller dans les news !) et ne dirigent que vers quelques infos subjectives et limitées. Mais ils permettent en tout cas de voir les couvertures].
Et quelques liens de plus :
- Le site de Paul Vidal (de Privas, 07, mais c'est néanmoins tout in english) bigVjamboree.com est une mine pour les rockers
- Un blog incontournable avec des tonnes de photos souvenirs de tous ces désormais "vieux rockers" (fans et artistes)
, c'est (c'était) rollcallblog.blogspot.com (PS: malheureusement disparu suite à piratage et inconséquence de Google)
- Celui-ci avec des disques et des vidéos : the-fabulous-50-s.over-blog.com
PS: Nous avons fait appel à des souvenirs bien lointains et fuyants pour rédiger cette page. Si des erreurs vous apparaissent, merci de nous le signaler, et on s'efforcera de corriger !
Quelques documents perso garantis d'époque...
Notre encyclopédiste du rock’n’roll a fait son ultime voyage… C’est à Sofia en Bulgarie où il était en voyage que Bernard Boyat est décédé ce 28-6-2015… Il aimait beaucoup les voyages, mais on l'imaginait plutôt dans les bayous de Louisiane… Et puisque cette page sur les fanzines est une des toutes premières qui apparaît quand on fait une recherche Google sur son nom, c’est sur cette page que je vais essayer de mettre quelques mots sur ce que je sais de Bernard. Et c’est somme toute fort logique parce qu’il était resté toute sa vie très lié aux fanzines et autres journaux d’amateurs de musique. Se documenter, écrire et partager sur ses musiques préférées était certainement la grande passion de sa vie. Il avait donc fait partie de “la grande époque” des rock’n’roll cats, ces fans très convaincus et prosélytes des pionniers du rock (c’était surtout dans les 60s, bien sûr), dont la plupart doivent être déjà mentionnés sur cette page : George Collange, Jacques “Arthur” Grimbot, Alain Mallaret, Marc Alésina, Roll Chanty (dessinateur et chanteur), Georges Badoz (disparu en 2013), etc, etc. Pour ne parler que de la région lyonnaise et stéphanoise ! Il était devenu prof d’anglais à l’Externat Sainte-Marie à Lyon, où il vivait pendant les périodes scolaires de façon presque monacale, retournant à son adresse aux noms fleuris de Bourg-en-Bresse juste pendant ses congés. Plus cultivé et littéraire que pas mal d’autres fans de rock sans doute, son anglais parfait l’avait par exemple amené à servir d’interprète et même de présentateur pour le fameux concert de Gene Vincent à la salle Rameau en 1967. Il avait fait ensuite d’assez nombreux voyages aux Etats-Unis et notamment en Louisiane car il était devenu grand admirateur, et donc grand spécialiste aussi, des musiques de cette région. Il avait rencontré de nombreux musiciens et écrit plusieurs ouvrages sur le sujet… mais pour des éditeurs n’ayant guère pignon sur rue bien sûr ! Il aimait aussi bien sûr la country music et avait écrit entre autres sur Merle Haggard ou Johnny Cash. On avait pu le lire dans Jukebox Magazine, Le Cri du Coyote, Blues Magazine, Sur la Route de Memphis, etc… À Lyon il avait même eu une émission sur Radio Canut, “la plus rebelle des radios” dont s’occupait alors son ami J.A. Grimbot, qui d’ailleurs était lui aussi employé par l’externat Ste-Marie, mais comme surveillant. Deux proches amis aux manières rustiques, aux blagues parfois quelque peu graveleuses, tous deux aussi bien portés sur la bonne chère que sur le bon vieux rock’n’roll ! Rabelais meets Champagnat… Bernard était aussi l'auteur de quelques chansons, certaines ayant même connu un certain succès outre-Atlantique (notamment le Annabelle de Warren Storm). Il en est question au bas de cette page en lien consacrée aux copains de son ami le chanteur Chris Evans (vous pourrez même y écouter un titre). Mais le plus gros projet de Bernard avait sans douté été ce “Rockcyclopédie”, une encyclopédie du rock’n’roll (le plus authentique et le plus originel bien sûr !) avec des biographies de parfaits inconnus (pour le commun des mortels), des références des parutions discographiques (originales !), ouvrage qu’il avait bien du mal à faire paraître, on s’en doute. Finalement, et je le cite : “Après quarante années (début en 1965) passées à compiler des infos, après des contrats avortés ou rompus unilatéralement avant parution avec des maisons d'édition et d'autres avatars”… il avait décidé en 2005 de sortir cette œuvre titanesque sur des disquettes informatiques (ça existait encore alors). J’avoue ne pas savoir jusqu’à quelle lettre avait duré la parution… SD Un hommage chez CountryMusicAttitude. Un autre sur ce pdf des Maristes (en page 122…) Pour correspondance avec Le Cri du Coyote (son principal éditeur) : cricoyote@orange.fr.
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Dans le même esprit (R'n'R for ever !), voir aussi notre page Gene Vincent (photos à Paris 1967, etc)
ou celle sur Roll Chanty & the Teeplers (groupe lyonnais des années 66/69)
Ou retour à l'accueil…